DE
HORS

TERRITOIRE

Les Murs à pêches de Montreuil

La ville de Montreuil, qui fut également appelé Montreuil-sous-Bois, est une commune située dans le département de la Seine-Saint-Denis et la région Île-de-France. La ville de Montreuil est située dans la banlieue est de Paris, au sud du département de la Seine-Saint-Denis. Situé sur la frange orientale de la cuvette de Paris, le relief de la ville de Montreuil est caractérisé par une différence de dénivelé significative depuis la  Porte de Paris (58 m) vers le boulevard de la Boissière (116m). Plusieurs entités géographiques confèrent leur identité aux quartiers : les hauteurs du plateau de Montreuil (quartier du Haut Montreuil), la prolongation de la plaine de Paris (le Bas Montreuil), les pentes du plateau sur lequel se situe le centre ville.Plusieurs cours d’eau s’écoulaient autrefois masquées aujourd’hui par l’urbanisation : la Pissote, qui alimentait le château de Vincennes, le ru Orgueilleux et le ru Gobétue. Ces cours d’eau ont étés enterrés lors de l’urbanisation de la commune et la mémoire même de leur tracé semble s’être perdue. Seul en témoigne aujourd’hui une résurgence du ru Gobétue.

Au début du xixe siècle, comme dans la plupart des alentours de Paris, les cultures maraîchères y étaient particulièrement importantes. Sur les coteaux, les Montreuillois produisaient du raisin et surtout des pêches : aux alentours du xviie siècle, l’invention des murs à pêches a permis d’augmenter la production en protégeant les arbres du froid. Les pêches de Montreuil sont devenues fameuses et ont approvisionné les tables des souverains de l’Europe jusqu’au début du xxe siècle.

Les Murs à Pêches constituent un des éléments emblématiques du patrimoine de Montreuil. Présents aujourd’hui essentiellement sur le plateau, les murs à pêches tiennent leur réputation de l’arboriculture fruitière en espalier autrefois répandue sur le territoire de la commune entière. Une grande partie de la ville est située sur une pente orientée vers le sud, procurant ainsi un bon ensoleillement. Les horticulteurs et arboriculteurs de la ville ont su en tirer profit pour créer un bioclimat favorable aux pêches de Montreuil : ils ont construit des murs orientés au sud. Les murs sont édifiés à l’aide de matériaux recueillis sur place, le banc de gypse qui constitu le sous-sol montreuillois ayant fourni le plâtre nécessaire, les pierres étant trouvées en creusant le sol même. Les fondations ont environ 0,50 m de largeur et 0,60 m de profondeur. On y place de grosses pierres, les vides étant comblés par de la terre, sans liaison de mortier. Les murs ont une largeur variant de 0,45 m à 0,55 m à la base et 0,30 m environ au sommet. Leur hauteur moyenne est de 2,70 m. En général, ils sont construits par sections alternées de 1 m, tout en pierre et plâtre, et de 2 m, en terre battue, boue, et pierre maintenues par une « chaîne » de plâtre étalée horizontalement tous les 0,80 m de hauteur, soit 3 chaînes superposées. Les murs sont couverts d’un chaperon en plâtre formant faîtière avec une saillie de 15 à 18 cm qui abrite les arbres et les fruits des intempéries. Le mur est crépi de plâtre, et le grand nombre de clous nécessaires au palissage dégradant rapidement le crépi, l’opération doit être renouvelée souvent. Le plâtre, qui vient des carrières situées à l’emplacement des parcs de Beaumont et de Guilland, est souvent cuit sur place dans des fours à bois, ce qui explique la présence de morceaux de charbon encore visible dans l’enduit. Pour protéger les arbres des gelées et de la pluie, des paillassons étaient liés par des liens en osier sur des supports en fer scellés en haut des murs. La technique de culture montreuilloise est celle du palissage  « à la loque », bande d’étoffe qui maintient la branche sans la blesser et qui est fixée au mur par des clous forgés dans les Ardennes. La taille « à la Montreuil » donne aux pêchers une forme en éventail.

Aux diverses opérations d’ébourgeonnement, d’effeuillage et de cueillette, les montreuillois ajoutent le tatouage des pêches qui consiste à fixer sur les fruits avant leur maturation des dessins découpés dans du papier, grâce auxquels le soleil dessinera pommes et des poires à partir de 1880, donne lieu à la pratique de l’ensachage. Toutes ces productions sont ensuite commercialisées aux Halles où se trouve le « carreau de Montreuil ». Les pêches s’exportaient partout en Europe, en particulier aux cours d’Angleterre et de Rontreuillois. Lorsque la poussée urbaine s’est fait sentir sur le Bas Montreuil, celle-ci a d’abord éliminé la ceinture maraîchère qui séparait le vignoble du couteau de l’enceinte de Paris. Mais dés 1866, face à la concurrence des fruits du Midi amenés par voie ferrée, les cultures les moins rentables ont disparu et les pêchers ont été remplacés par des pommiers et des poiriers, toujours cultivés selon les mêmes méthodes.

Liliana Motta

 

PEUT-ON VIVRE ENSEMBLES?

Nous avons visité en février 2012 les parcelles de Murs à Pêches à Montreuil en compagnie de François Fiard, chargé de mission nature et agriculture urbaine à la Mairie de Montreuil et Mm de Caue 93. Le site est exceptionnel et imperceptible depuis l’extérieur. Depuis la rue, personne ne peut se douter de ce qui se passe à l’intérieur des ses murs délabrés. On y accède par l’Impasse Gobetue, les chemins sont étroits et tortueux, la végétation est omniprésente, en liberté sur la majorité des espaces. Foncièrement les parcelles appartiennent à la Ville et à des particuliers, souvent des héritiers des anciens agriculteurs. Des parcelles de propriété publique ont été mises à dispositions d’associations et de jardiniers familiaux qui par leurs activités ont permis d’entretenir et de faire vivre une partie du site. D’autres parcelles sont encore cultivées par des horticulteurs actifs ou retraités. Certaines parcelles sont occupées, en convention avec la ville, par des gens du voyage ; dans ce cas les parcelles ont des sols minéraux et les caravanes sont organisées souvent autour d’un axe de circulation centrale. D‘autres parcelles sont squattées par des gens qui manquent des moyens minima, vivant dans une extrême pauvreté. Tout autour, la plupart des parcelles privées sont en friche ou occupées par des entreprises plus ou moins bien adaptées à ce territoire. Le ministère en charge de l’écologie a classé le site le 16 décembre 2003 au titre des « Sites et Paysages ». Le périmètre ainsi protégé s’étend sur trois zones totalisant 8,6 ha, soit 20% de la superficie du site. Cette mesure de protection interdit toute destruction des murs sans autorisation ministérielle et toute construction étrangère à leur vocation première. Cette mesure ne fait pas l’unanimité, certains propriétaires privés se sentent dépossédés de leur bien ; ceux qui ne sont pas propriétaires craignent un futur déménagement et ceux qui squattent devront évidement se retirer des lieux. Plusieurs projets sont en cours pour réhabiliter le site, la ville et certaines associations défendent l’idée d’une agriculture urbaine et d’autres critiquent vivement tout changement de la friche actuelle. Ces dernières associations ne sont évidemment pas d’accord pour laisser circuler le public librement dans le site, invoquant l’insécurité du voisinage. On pourrait oublier dans un tel contexte, que ce territoire est un site classé, un patrimoine qui appartient à tout le monde. De cette expérience une question n’arrête pas de tourner dans ma tête : Pourquoi vouloir sauver la planète si nous n’arrivons pas à vivre ensemble ?

Liliana Motta

 

LES MURS À PÊCHES DE MONTREUIL

Projet 2012

Dans de telles situations, où tout projet est paralysé par des intérêts contradictoires et difficiles à démêler à court terme, il faut une autre manière de travailler, celle de la médiation avec les différents acteurs du conflit. En terme d’animation le travail réalisé sur le terrain permet une approche originale. On pourrait la comparer à une maquette à l’échelle 1 du projet que la Ville de Montreuil veut mener à bien sur le site. Alors qu’il est toujours problématique de comprendre un plan ou de lire une programmation, l’action dans le terrain permet une préfiguration qui installe un climat de confiance vis-à-vis des intentions de la Ville sur le projet collectif des Murs à pêches.

Les chantiers de jardinage attirent toujours des amateurs et des curieux désireux d’échanger et la conversation est facilitée. De même qu’avec les autres associations qui occupent le site et qui trouvent la démarche novatrice. Le résultat de l’aménagement fait par l’Association Les Hautes haies, un fois réalisé, est à l’usufruit de tout le monde, l’aménagement de l’espace, les lieux de détente, le mobilier et la signalétique botanique.

Pour commencer nous avons cartographié le cheminement qui relie les deux parcelles labyrinthe des parcelles privées. L’entrée par l’Impasse Gobetue nous amène à la première parcelle nommée « la prairie », espace ouvert avec une lisière d’arbustes et de quelques ligneux. Le cheminement pressenti amène à la deuxième parcelle pour sortir rue de Saint Antoine. La deuxième parcelle est un espace couvert par des ligneux et du lierre en couvre sol. Le cheminement présente des aspects divers avec des passages étroits bordés de Clematis vitalba en abondance.

La première parcelle nommée « Prairie », est utilisée comme lieu de réunion par des associations et des projets ont été proposés pour sa gestion (Samuel Lagrande, Collectif Louise et Michel, Collectif 14). L’Association Les Hautes Haies avec son projet « Laboratoire du dehors » n’a pas pour objectif l’appropriation ou l’aménagement à long terme des dites parcelles. Le projet proposé à la Marie de Montreuil est le traitement des passages et des limites par un jardinage pré-opérationnel pour préfigurer les lieux en vue du futur aménagement de l’ensemble du quartier des Murs à Pêche.

La « Prairie » est un espace vastement ouvert, une prairie de graminées fauchés par le soleil en été. Elle est bordée d’une lisière d’arbustes aux qualités ornementales variées, feuillages et fruits. Certains sont persistants, ils gardent leur feuillage en hiver. Cet ensemble arbustif mérite d’être mis en valeur pour donner un aspect accueillant à cette parcelle. Le rôle de la « Prairie » est de rassembler pour des moments festifs, le tissu associatif réparti dans les différentes parcelles des Murs à Pêches. Nous souhaitons agir sur le traitement d’un passage vers le cheminement partant de la rue Pierre de Montreuil. Puis nous voulons affirmer et composer les limites de cette parcelle pour l’identifier en tant tant que lieu collectif à l’ensemble du terreau associatif présent sur le site.

Le « Bois » est un espace fermé, constitué d’un boisement de jeunes ligneux filiformes, et tapissé d’un parterre de lierre. Les limites sont peu perméables. Seul deux points d’entrée sont repérés : un depuis l’impasse Gobétue, un second depuis la villa Saint Antoine. Nous voulons mener une intervention plus minutieuse dans cet îlot boisé. Un enlèvement des arbres morts est nécessaire ainsi qu’une taille de formation s’impose pour la plupart. Un cheminement doit être déterminé pour permettre la circulation dans la parcelle. La volonté développée pour ces espaces est de préserver l’intimité créée par le couvert boisé, et de proposer un lieu privilégié pour la détente et la réflexion.

Pour cela nous avons organisé un chantier qui s’est déroulé en association avec des paysagistes de l’École Nationale Supérieur de Paysage de Versailles et l’association Halage. Cette dernière pratique une gestion écologique et solidaire de la nature en ville pour un échange de connaissances entre les techniciens et les projecteurs du paysage. Après la rencontre de l’association Halage, lors du premier Laboratoire du Dehors, nous avons souhaité inscrire dans la nouvelle expérience du Laboratoire, un échange de pensées, de valeurs, et de connaissances avec elle. Cela est pour nous l’occasion de créer la rencontre concrète entre paysagistes et ouvriers dans un partage des connaissances, de conception et de mise en œuvre.

L’action s’est déroulée après une étude préliminaire du territoire et la rencontre avec des acteurs locaux de la vie associative ainsi que le service des espaces verts de la ville de Montreuil. Nous avons élaboré le plan d’action avec le soutien de Marie Delhommeau, chargée de projet Les Hauts de Montreuil, Ville de Montreuil et de François Fiard, Chargé de mission nature et agriculture urbaines, Ville de Montreuil. En termes techniques le projet a été réalisé en 4 chantiers auxquels ont participé environ une douzaine de personnes :

– Du vendredi 11 au lundi 14 mai 2012

– Du vendredi 29 juin au lundi 2 juillet 2012

-Le lundi 23 juillet 2012

– Du mardi 18 septembre au dimanche 23 septembre 2012